Je suis une survivante de violence fondée sur le genre, de violence familiale et de violence sexualisée.
Par Nikki Jamieson, représentante des femmes, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants
Durant mon cheminement de guérison après avoir subi de la violence familiale, j’ai trouvé de l’aide au dernier endroit où je voulais être.
La violence fondée sur le genre est ancrée profondément dans nos établissements, de façon systémique et sociale, à cause de l’iniquité et du pouvoir, et renforcée par d’autres formes d’oppression comme le racisme, le colonialisme et le capacitisme, etc. Parcourir ces systèmes qui n’étaient pas conçus pour nous appuyer est en soi difficile, et encore plus lorsqu’on considère l’intersectionnalité de nos identités et pour qui ces espaces ont été créés. Nous vivons dans une société dans laquelle le patriarcat persiste à cause de la persistance des normes en matière de genre, qui préfère le capitalisme à la compassion, et qui maintient toujours les systèmes qui nous oppriment.
Quant à moi, j’ai subi plus de violence que j’ai reçu d’aide lorsque j’essayais de parcourir les systèmes qui étaient censés être là pour m’appuyer. Et ce n’est pas spécifique à un système ou une organisation, mais plutôt une réalité culturelle que nous n’avons toujours pas défaite. C’était le résultat d’une socialisation que je vivais non seulement extérieurement, mais aussi intérieurement. Le plus grand obstacle entravant ma guérison était, en fait, moi-même.
Vu que mon expérience était si similaire à celle d’autres femmes et de personnes trans et non binaires, le fait de parcourir les mêmes systèmes était à la fois décourageant et valorisant.
La première fois que je suis restée dans un refuge pour femmes, c’était suite à un mandat de la cour. Je n’étais pas prête à accepter, ni même à reconnaître, pourquoi j’étais là. J’étais plus contrariée par le fait qu’une organisation externe et le système judiciaire étaient impliqués dans mon cas que capable d’accepter comment je suis arrivée où j’en étais. Je n’étais pas prête à écouter ce qu’on me disait ou à admettre que j’avais besoin d’aide. Je n’avais pas vu les signes précurseurs et je voulais qu’on me laisse tranquille et qu’on arrête de restreindre mon autonomie. Je comprends maintenant que ce n’était pas un défaut. Nous sommes socialisés pour fonctionner ainsi. C’était ma méthode subconsciente de survie.
J’ai ignoré toutes les ressources, tous les échanges avec la communauté, toutes les personnes qui essayaient de m’aider. Je suis retournée à la maison une fois mon temps écoulé et, sans surprise, des années plus tard, je me suis retrouvée dans la même situation.
La deuxième fois était différente. La deuxième fois, j’ai trouvé en moi la force de reconnaître la violence à laquelle je faisais face. De reconnaître que les systèmes que j’ignorais étaient, en fait, bâtis pour moi et que, surtout, je n’étais pas seule.
Vu que mon expérience était si semblable à celle d’autres femmes et de personnes trans et non binaires, le fait de parcourir les mêmes systèmes était à la fois décourageant et valorisant. Tout comme le fait que les ressources dont j’avais besoin, celles que j’avais auparavant refusées, étaient toujours là pour moi.
Cette fois-ci, j’ai utilisé la force que j’avais en moi et que j’évitais et je l’ai plutôt utilisée pour défendre mes propres intérêts. J’étais là durant une année complète, jusqu’au moment où je devais partir. J’ai élevé mon fils nouveau-né pendant une année dans ce refuge. Cette fois-ci, j’ai utilisé toutes les ressources qui étaient offertes. J’ai donc trouvé des groupes de soutien. J’ai trouvé une banque alimentaire. J’ai trouvé des ressources pour mon fils et moi, mais, surtout, j’ai trouvé une communauté.
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Nikki Jamieson et son fils[/caption]
Six mois après mon séjour dans le refuge, j’ai commencé à douter de ma communauté. Je croyais que bien que mon expérience était importante et positive, personne à l’extérieur du refuge ne comprendrait—ou, plus précisément, ne s’en soucierait. Le lendemain, le refuge a indiqué que l’organisme le Ruban blanc organisait l’activité Marche un mille dans ses souliers pour faire de la sensibilisation. Je voulais absolument éviter cela parce que ça signifierait m’exposer et parler en public de mes expériences avec la violence familiale.
Une fois de plus, j’avais totalement tort. En participant à cette activité, je me suis sentie réénergisée. Le montant incroyable d’appui de la part des gens qui ne proviennent pas de notre communauté et de gens qui veulent être solidaires de nous m’a montré que j’avais non seulement une communauté interne, mais aussi une communauté externe.
Je me suis permis de m’ouvrir et de partager mes expériences et, ensuite, d’autres personnes ont commencé à s’ouvrir elles aussi. En cherchant des ressources et de l’aide auprès d’organisations externes, j’ai trouvé un soutien de la part de mes pairs. J’ai trouvé des personnes qui me comprennent et qui ont des expériences semblables aux miennes. Les amitiés que j’ai cultivées sont devenues des liens à vie qui persistent à ce jour.
Quand j’ai quitté le refuge, je savais que je voulais faire partie du changement. Je reconnais le pouvoir d’une communauté et je sais que c’est ce qu’on doit bâtir. Je veux que les gens sachent que vous n’êtes pas seule ou seul, peu importe à quelle étape de votre cheminement vous êtes rendue ou rendu.
Comme les autres survivantes et survivants, je suis une mère, une fille, une sœur et une amie. Je suis une étudiante.
Je suis confrontée à un SSPT sévère qui peut être déclenché à la suite d’interactions vraisemblablement mineures avec les autres. Je confronte des déclencheurs partout qui me rappellent qui j’étais auparavant. Je fais face à la violence dans d’autres espaces, ce qui m’indique que les choses auxquelles j’ai fait face sont toujours réelles et valides—mais, surtout, j’ai l’occasion de rencontrer la communauté que j’ai aidé à bâtir et dont je fais partie.
Je suis une survivante de violence fondée sur le genre, de violence familiale et de violence sexualisée. J’ai été sans-abris. J’ai vécu dans un refuge deux fois au cours de ma vie. Pour la première année de sa vie, j’ai élevé mon fils dans deux refuges.
Cela ne me définit pas, tout comme ces expériences ne définissent pas les autres femmes que j’ai rencontrées lorsque je vivais dans ces refuges.
Comme les autres survivantes et survivants, je suis une mère, une fille, une sœur et une amie. Je suis une étudiante. Je suis une meneuse. Bien qu’à un certain moment, je ne l’étais pas, je suis forte, résiliente, aimée et fière de qui je suis.
À toutes celles et tous ceux qui fuient la violence familiale et qui se sentent seule ou seul, il y a des ressources pour vous. Il y a une communauté pour vous. Elle vous aimera, vous appuiera et vous soutiendra. En tant que survivantes et survivants, nous sommes tous ici. Et personne ne peut nous l’enlever.
Ce billet a été écrit pour célébrer la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes
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